top of page

LE PROTÉGÉ de Marc BRUCKER : Extrait


EXTRAIT : LE PROTÉGÉ

Le lendemain matin, je commençai par appeler mon patron, pour lui dire que j'avais besoin d'une semaine de congés, pour raisons personnelles. Il n'apprécia pas beaucoup le fait d'être averti à la dernière minute, mais accepta néanmoins ma demande. Sachant que j'étais toujours dans une période difficile, il eut la délicatesse de ne pas me demander de plus amples explications.

Je ne sais pas comment il aurait réagi si je lui avais précisé qu'il me fallait quelques jours de disponibilité pour retrouver une jeune gitane !

La nuit dernière fut exécrable. Je n'arrêtais pas de me tourner et me retourner dans tous les sens, sans arriver à trouver le sommeil. Je voyais constamment Palko le moustachu passer devant moi, me reluquant avec un sourire béat et me répétant sans cesse : Qui c'est, Djidjo ? Qui c'est, Djidjo ?

Cela me tracassait au plus haut point. J'étais persuadé que Palko me mentait. Mais pour quelle raison ?

Retour à la case départ, j'étais déterminé à retrouver le clan de Djidjo. Il ne s'était pas volatilisé, tout de même.

Je me préparai donc mentalement à me coltiner à nouveau quelques secrétaires de Mairie. Bonjour les dégâts ! Fort de mon expérience de la veille, je décidai de me fabriquer un alibi béton qui expliquerait mon souhait de rencontrer des gens du voyage et qui éviterait sûrement que j'obtienne des réponses saugrenues. Je me transformai en correspondant régional qui projette un reportage sur cette communauté.

Ma tactique fonctionna à merveille. Le mot journaliste faisant office de véritable sésame, je fus accueilli avec la plus grande amabilité. Après le cinquième ou sixième appel téléphonique, j'obtins une réponse positive concernant la commune de Heidwiller.

Le chemin de halage, longeant le canal sur plusieurs dizaines de kilomètres, était partiellement aménagé en piste cyclable. Je fonçai comme un dératé, ne jetant pas le moindre coup d'œil à l'activité fluviale qui animait le cours d'eau, et arrivai rapidement à l'endroit qui m'avait été indiqué.

Il s'agissait d'un grand terrain arboré, en lisière de la forêt, quelques centaines de mètres à côté des maisons d'habitation individuelle des sédentaires. De nombreuses caravanes, prolongées par de larges auvents colorés, avaient pris possession des lieux. D'énormes et puissantes voitures étaient stationnées à leurs côtés, semblant monter la garde. Plusieurs groupes d'hommes et de femmes discutaient entre eux, à différents endroits du campement.

Ce clan était visiblement plus imposant que celui que j'avais rencontré du côté du collège épiscopal de Zillisheim. Apparemment, ce n'était toujours pas celui que je recherchais. Je ne reconnaissais effectivement aucun des visages que je croisais fugitivement.

Mon arrivée fut immédiatement remarquée. Un silence pesant remplaça les bavardages et des mines plus ou moins patibulaires se tournèrent dans ma direction. Je me trouvai bientôt au centre d'un attroupement.

Un homme grand et musclé, avec de longs cheveux noirs et une moustache de gaulois, pénétra dans le cercle, vint se poster face à moi – l'allure altière, les bras croisés sur le torse – et m'adressa la parole.

– Je suis Zurka, chef du clan. Que viens-tu faire par chez nous, gadjo ?

– Je cherche une jeune femme d'une vingtaine d'années nommée Djidjo, que j'ai rencontrée, samedi dernier au campement derrière le collège de Zillisheim.

Zurka fit la moue et poursuivit :

– Et pourquoi cherches-tu à revoir cette jeune femme gitane, gadjo ? demanda-t-il, d'un ton sec, tout en frisant sa moustache entre deux doigts crasseux.

Saisis par sa brusquerie, je bégayai qu'il se passait des choses bizarres depuis cette rencontre.

– Quoi comme choses bizarres ?

– Vous n’allez pas me croire, soupirai-je.

– Dis toujours, répliqua le chef.

À l'affiche
Posts récents
bottom of page